Gestion des forêts au Brésil, la parole aux acteurs : Franck Santos, TRADELINK France

Au vu de l’actualité récente, Le Commerce du Bois a souhaité consacrer un dossier sur le Brésil dans sa revue d'Automne en mettant en lumière les initiatives privées et publiques de gestion durable des forêts.Nous avons donné la parole à des acteurs ayant une parfaite connaissance du terrain qui, sans chercher à nier la réalité de la déforestation dans le pays, présentent des actions concrètes qui permettent d’aboutir à une production responsable de bois, garante de la préservation de l’environnement et d’un développement économique des populations.
*Les propos recueillis n’engagent que l’interviewé et pas la rédaction*

Voici l'entretien avec Franck Santos, Directeur de TRADELINK FRANCE

 

Pouvez-vous nous présenter Tradelink ?
Tradelink est un groupe anglais familial créé en 1989. Initialement tourné vers le sourcing Asie et Brésil, il a vu son activité se diversifier par l'intégration d'une usine de transformation à Belém, dans l’État du Pará, tournée à l'export principalement vers l'Europe et les Etats-Unis mais aussi par la création de centres d'importation et de distribution aux Etats-Unis, en France, au Portugal, en Belgique, en Afrique du Sud, en Angleterre et en Asie. L'activité porte exclusivement sur les produits bois et dérivés (du produit brut, parquets, lames de terrasse, aux panneaux, profilés, contreplaqués...) tous continents.
En France, Tradelink est présente depuis plus de 28 ans avec une équipe de 7 personnes, un stock distribué sur 3 bases logistiques (Nantes / Honfleur et Est de la France) et une gamme de produits pour l’industriel, le Négoce et la GSB.
 
Quelles sont les activités de votre filiale au Brésil ?
Notre filiale brésilienne basée dans le pays depuis plus de 25 ans est divisée en 3 pôles :
-    L’industrie avec la production de bois bruts, parquets massifs, lames de terrasse et l’export à l’international pour nos filiales mais aussi pour des clients en achat direct.
L’usine dispose d’une capacité de 3000 m3 de séchage mensuel, d’une production de plus de 60 containers par mois en produits manufacturés, d’un outil industriel automatisé et performant avec une équipe de 150 personnes.
-    Le sourcing couvrant nos approvisionnements sur le continent sud-américain pour l’ensemble du groupe
-     Le service ‘’environnement’’ dans notre pôle administratif

Comment mettez-vous en œuvre la procédure de Diligence Raisonnée pour vos importations de bois sur le territoire européen ?
La légalité est un sujet majeur pour nous. Elle doit l’être pour nos clients.
Tradelink travaille depuis plusieurs années sur les procédures d'achats en respect du Lacey Act aux Etats-unis et du RBUE en Europe.
Concernant notre procédure d’achats, le niveau d’exigence est le même pour tous les pays dans lesquels nous travaillons. Nous disposons d'un service ''Environnement'' groupe avec un responsable basé à Londres et, au Brésil, un service interne ''Environnement'' dirigé par un ingénieur forestier dédié à l'analyse de la chaîne de traçabilité et, si nécessaire, à l'inspection sur site. Notre procédure de contrôle documentaire très complète est aussi facilitée par notre accès à des bases de données de l’IBAMA . Il faut noter que notre usine et notre bureau de sourcing ne font qu’un, ils sont sur les mêmes installations et ont accès aux mêmes informations. Nous contrôlons ainsi notre chaîne d’approvisionnement de A à Z.
L'analyse documentaire nous oblige fréquemment à refuser des chargements.
D’ailleurs il nous arrive également de faire  parfois appel à des organismes tiers, de manière à pouvoir croiser les informations.
Nous sélectionnons tous nos fournisseurs de matières premières pour l’usine de manière stricte.
Les forêts avec lesquelles nous travaillons se trouvent dans l’État du Pará, pour des raisons de flux logistiques, de coût mais aussi de contrôle : nous n’achetons pas dans les forêts des autres États car les documents ne sont pas les mêmes et les systèmes d’informations peuvent être différents.

La procédure de Diligence Raisonnée (DR) pour nos importations passe impérativement par une analyse poussée et réelle de chaque document faisant parti de la liste de contrôle. Cela paraît basique mais ce n'est pas le cas pour tout le monde. Par exemple pour le Brésil, certains se satisfont encore d'une GF3 et d'un set de documents purement pour la forme. Il faut aussi noter que notre procédure d'achat (et notre DR) est en permanente évolution.

Nous adhérons en Angleterre à la TTF (Timber Trade Federation) et en France au LCB et à sa DR.
Nous sommes conscients de notre exposition et de notre rôle dans la chaîne d'approvisionnement.
Nous achetons aussi quand nous le pouvons, des produits certifiés (au Brésil mais aussi en Asie) même si parfois nous n'arrivons pas à le valoriser à la vente. Ce qui est d'ailleurs dommage.
Notre objectif a toujours été de valoriser nos clients, nos produits et donc leurs origines et la Légalité.
 
Les incendies de cet été, particulièrement relayés par les médias, ont-ils impactés votre activité ?
Je suis relativement surpris que ce sujet soit si médiatique cette année et je pense qu'il est important de s'y intéresser. Des incendies ont lieu tous les ans au Brésil. Ils sont de toutes sortes, aussi bien liés à l'agriculture, à l'élevage mais aussi à l'extraction de bois. Je ne peux pas me permettre de juger l'impact d'une ou autre activité mais ce n'est pas nouveau de mon point de vue. Je ne sais pas non plus si c'est lié ou non à la réunion du G7 de cet été mais la période était plutôt propice.
Au final, nos clients nous questionnent mais cela ne nous impacte pas vraiment, même si la pression est de plus en plus importante sur notre activité et sur l’environnement en général.
 
Comment pouvons-nous agir en France en tant que consommateur pour limiter la déforestation ?
Je pense qu'il faut valoriser la ressource, dans certains cas la certification, mais aussi l'origine des bois. Cela veut dire valoriser les intervenants. La valorisation passe effectivement par un côté financier.
Beaucoup de clients privilégient le prix au détriment de l'origine et de la légalité notamment, en passant par des intermédiaires (ou pas). Je défends effectivement la position de l'importateur et sa responsabilité en tant que metteur sur le marché. Le client qui achète directement au Brésil ou via un agent (et qui importe donc), s'expose légalement, sans le vouloir, par manque de conseil et peut participer indirectement à la déforestation. Ce n'est bien sûr pas le cas de tout le monde.
Il est donc de notre responsabilité mais aussi de celle du LCB, d'éduquer, d'informer.

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